Réponses de Michel Embareck aux questions des abonnés au site
vendredi 25 juin 2004 (Liberation - 06:00)
Michel Embareck
Rubens
L'Ecailler du Sud, 128 pp., 6 €.
Rubens est une chausse-trappe. Il n'est pas question de peinture, mais de formes. Le «il» sans nom, le narrateur, est attiré par «une femme Rubens», alors qu'il aime d'ordinaire les Modigliani. Et cette femme n'est guère qu'un leurre après lequel il court sans courir tout au long de ce roman qui transpire l'autobiographie. Ce grand reporter free-lance passe aussi son temps à la recherche d'ombres mortes, type Mac Orlan à Barcelone, Hemingway à Key West, René Fallet sur les docks de Londres ou Tennessee Williams à La Nouvelle-Orléans. «Dès qu'il empoignait un sac de voyage, les cicatrices du passé restaient à la maison.» Car le plus gratiné et le mieux conté, c'est son enfance, passée «au camp de base», une maison au bord de la nationale du Tour de France, pendant laquelle il joue le récepteur à torgnoles de ses parents puis la pâture d'une maison de redressement. De l'emprisonnement à la fuite permanente, il n'y a qu'un pas, où se loge une réflexion sur l'écriture. Michel Embareck aime manier le phrasé («Foutu artisanat qu'ébéniste en narration»), et ses trouvailles font oublier ce qui pourrait être parfois de la trop belle ouvrage.
Par Frédérique ROUSSEL
Pays comtois n° 56, septembre-octobre 2004
Au format de poche, d’entrée de jeu comme pour un roman policier, en plus concis encore, tel apparaît ce beau petit volume. L’histoire est celle d’une rencontre amoureuse dont le plaisir est subtilement différé. L’enjeu, c’est la présentation de soi. Dans ce rapprochement de Rubens, une femme au-dessus de tout soupçon, tout invite notre héros à reconsidérer son parcours. Cela lui vient naturellement, car son métier l’a conduit à être « un chasseur d’ombres mortes ». C’est dans ce va et vient, du passé envahissant à la quête de l’amour, que se construit le roman. Les beignes restent, plutôt que les beignets. Le cœur écume, d’avoir été gros. Plus la douleur est singulière, plus la voix qui la porte, à condition qu’elle révèle un style, peut devenir universelle. C’est le cas chez Embareck. Sa voix intérieure est délivrée par une langue en état de perpétuelle invention. C’est vif, intelligent et cela pose une vision du monde sans doute pessimiste, mais d’une justesse imparable. Un régal.
Pierre Perrin
|