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©2007 Michel EMBARECK.
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LES ANGES SAUVAGES
(2009)



Ils sont trois, trois potes, ils ont les tempes grises, une connaissance encyclopédique du blues et plus ou moins réussi leur vie. Ils se retrouvent dans la contestation d’une société trop rigide et s'unissent pour réaliser un rêve de jeunesse : reprendre le Wild Angel, un bar musical de nuit.
Ils sont deux, une jeune menuisière éclopée, amoureuse d’un étudiant basque arrêté brutalement par les services antiterroristes sur les dents à la veille de l’élection de Miss France.
Il est tout seul, il s'appelle Jean-Romain, vieux militant communiste qui commente l’actualité depuis son balcon dans la cité HLM.


Solidaires, ils vont faire tous ensemble, tous ensemble, une grosse bêtise, réunis par leurs esprits rebelles et un certain sens de l'esthétique.



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CE QUE LA PRESSE EN DIT


CROSSROADS : Lire



ROLLING STONE : Lire (format pdf)
Lire (site internet)



LE MONDE 2 : Lire



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A lire sur : Le hussard vert - blog d'humeur littéraire
http://lehussardvert.canalblog.com/archives/2009/05/04/13608931.html




Un faux polar et un vrai bon roman


Les Anges sauvages, Michel Embareck (Pascal Galaudé éditeurs) :



C’est Franck, le journaliste placardisé, revenu de tout et n’allant nul part. Seule sa maladie atteste qu’il vit encore : il a développé une dépendance sévère au rock, au vrai. Avec ses deux potes, ils se gargarisent de whisky et litanisent des heures sur des titres abscons. Ils se roulent des « V2 » en ressassant leur révolution manquée.

C’est Bixente, l’étudiant basque supporter de l’Aviron Bayonnais et forcément terroriste en, tout cas aux yeux des RG.

C’est Sophie, « le menuisier en soutien-gorge » dont on ne peut passer la bague au doigt, car son index gauche est tombé dans la sciure au pied d’une scie circulaire.

C’est Jean-Romain le vieux désabusé, de son balcon qui contemple les ravages de la mondialisation à l’échelle du quartier.

C’est Madeleine, la vieille militante qui tourne avec le Samu social.

C’est la belle Martha qui ouvre un bar convivial dans le quartier.


Dimanche, j’ai lu ce livre d’une traite, ce qui est assez rare pour être signalé. Mettons les choses au point, ce roman n’a de policier que le nom, l’histoire est secondaire voir tertiaire. Un peu comme dans les romans de Leonardo Padura où les fêlures de l’inspecteur Mario Conde et les problèmes de ses potes prennent toujours le pas sur l’enquête. Vous l’aurez compris, Michel Embareck est un auteur de polar qui n’écrit pas de polars, il préfère trousser une galerie de personnages attachants : un concentré d’humanité en boite. Toutes les scènes sonnent justes, de la description de la jeunesse d’aujourd’hui jusqu’aux scènes de padocks, en passant par les logorrhées du vieux Jean-Romain qui chronique le temps qui passe pour sa femme décédée.


Ce dernier, au fil de chapitres, s’impose comme mon personnage préféré, soupe au lait et nostalgique, il exprime en mots fleuris ce que les sociologues peinent à analyser sur mille pages rébarbatives. Jean-Romain parle au cœur et non à la raison. Il élabore des théories fumeuses auxquelles on souscrit d’emblée : le foot serait l’opium du peuple si les joueurs n’étaient pas plus camés que les téléspectateurs. Selon lui, les clubs seraient tenus par la mafia du médicament qui expérimenterait leurs dernières trouvailles sur des cobayes en short. Entre les pros qui jouent le match avec un défibrillateur sur la touche et « les pousse-ballon du dimanche qui se plantent des coups de couteau ou qui se révolvérisent ». Il serait plus simple de construire les stades de foot sur le parking des hôpitaux. Il me rappelle mon grand-père qui travaillait aux abattoirs des Halles, il donne son avis sur tout : une note en euro c’est aussi flou « qu’une analyse d’urine et quand tombe la douloureuse t’es guère plus avancé que si on t’avait annoncé la fin du monde en japonais. ». Et il continue : la presse, la grande distribution, les promoteurs immobiliers véreux, la mal bouffe et ses conséquences, la télé et les consoles de jeu, la pollution, les patrons voyous… « Même la bibine se mondialise », après le Beaujolais nouveau et le Touraine primeur, on a « la bière rousse de la Saint Patrick, le cabernet d’Afrique du Sud, la bière du nouvel an chinois. Travailleurs de tous les pays enivrez-vous… ». On boit ses paroles comme du petit lait de poule. Et au fur et à mesure, les monologues dessinent en creux sa solitude. La cannelle mélangée au brandy laisse alors un goût amer. Du grand art.


Tous ses sujets sont traités au pas de charge et mâtinés d’ironie légère. Les personnages secondaires sont truculents. On rit beaucoup et on s’émeut. Les auteurs qui manient bien l’humour sont rares, et quand en plus ils savent alterner les bons mots et les scènes d’émotion, ils deviennent précieux.


Après ce concert de louanges, deux bémol à la clef : les dialogues digressifs sur le rock passent au-dessus de la tête des non-initiés. (On aimerait bien rentrer mais on reste sur le pallier). On le sait, ce genre de passion est exclusive (au sens littéral). Franck et ses copains puisent leur identité dans ce marigot culturel et pour ne pas se dissoudre comme un cachet effervescent dans la mondialisation, préfèrent rester entre eux, hermétiques au commun des mortels. Ils me rappellent les personnages que Nick Hornby avaient décrits dans High Fidelity. Rob, Dick et Barry débattaient à longueur de journée sur les meilleurs Riff de Keith Richards ou sur la meilleure couverture d’album de Ledzep sans permettre à quiconque d’entrée dans la discussion. Ils viraient même des clients profanes de leur « Disc store » sous prétexte qu’ils avaient des goûts de chiotte et posaient des questions cons. Les personnages de Michel Embareck sont encore plus pointus, par exemple Franck énumère sur deux pages des chanteurs de la New Orleans. La liste devient par ses excès une herméneutique du blues, elle élève la culture rock au niveau d’une religion païenne, avec sa liturgie et ses prêtres. Bref, on sent que l’auteur assume à 100% cet élitisme.


L’autre regret c’est la scène finale qui aurait mérité un développement plus long. Elle est tellement drôle qu’on ne veut pas la voir se dénouer. Sans rien en dévoiler, je pense qu’un chapitre supplémentaire aurait élevé ce canular au rang d’art. Tel quel, elle entre au panthéon des facéties littéraires, au même rang que les conneries dans Rossenotti et La Ballade des canailles d’Enrico Remmert, ou des aventures burlesques des Copains de Jules Romain. - Note pour plus tard, écrire une anthologie du canular dans la littérature française.


Les Anges sauvages c’est une fresque sociale en miniature, c’est la révolution en rigolant et à défaut de Grand soir, il vous promet déjà une grande soirée.